Révision de l’impôt à la source: nouveautés à Genève dès 2021

Dès 2021, modification de l'impôt à la source

Introduction

Unifié depuis 1995, le régime suisse de l’impôt à la source va être profondément remanié l’année prochaine. Adoptée par le Parlement suisse le 16 décembre 2016, la loi fédérale sur la révision de l’imposition à la source du revenu de l’activité lucrative entrera en vigueur au 1er janvier 2021 et contient toute une série de nouvelles dispositions.

En particulier, les articles 83 à 101 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) et 32 à 38 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) seront modifiés. L’ordonnance du Département fédéral des finances sur l’imposition à la source dans le cadre de l’impôt fédéral direct du 11 avril 2018 et la circulaire n°45 de l’Administration fédérale des contributions (AFC) du 12 juin 2019 viendront compléter le dispositif législatif.

A Genève, le Grand conseil a adopté le 16 janvier 2020 la loi cantonale sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales (LISP).

Le but de cette réforme vise à réduire les inégalités de traitement entre les personnes soumises à l’impôt à la source et celles assujetties à l’imposition ordinaire. En effet, les anciennes dispositions ont dû être adaptées dans la mesure où elles ne respectaient pas le principe de l’égalité de traitement prévu par l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) entre la Suisse et l’Union européenne/AELE. En substance, la révision introduit une taxation ordinaire obligatoire subséquente/ultérieure pour les contribuables résidents imposés à la source et, sous certaines conditions, pour les non-résidents. Les déductions complémentaires seront elles supprimées.

En outre, les employeurs (les Débiteurs de la Prestation Imposable, DPI) seront soumis à quelques nouveautés sous l’angle procédurale et des prélèvements. Il sied en effet d’uniformiser le calcul de l’impôt à la source dans toute la Suisse. La circulaire de l’AFC n°45 a justement pour objectif de définir, au travers de nombreux exemples sur 69 pages et 3 annexes, les règles de calcul de l’impôt à la source pour tous les cantons (en particulier le traitement du 13ème salaire, des bonus, des indemnités de départ, la situation en cas d’emploi irrégulier etc.).  A cet égard, Genève va devoir adapter sa pratique sur certains points, l’AFC ayant retenu deux modèles de calcul, le modèle annuel (Vaud, Genève, Valais, Fribourg et Tessin : la période fiscale correspond à l’année civile et le revenu brut mensuel est imposé au taux correspondant aux revenus annuels totaux du contribuable) et celui mensuel (les autres cantons : le mois est réputé période fiscale et le revenu mensuel correspond généralement au revenu déterminant pour le taux). Pour chacun des modèles, l’AFC indique par exemple quels éléments doivent être considérés comme périodiques ou non, et comment calculer les indemnités avant et après les rapports de travail.

1) Rappel sur l’imposition à la source

Pour rappel, être imposé à la source signifie que l’employeur (cas échéant l’assureur ou la caisse de retraite) prélève directement les contributions à l’impôt cantonal et communal (ICC) et à l’impôt fédéral direct (IFD) sur les prestations qu’il verse au salarié (salaire, bonus, retraite, maladie, chômage, etc.).

L’idée est d’une part de lutter contre l’évasion fiscale s’agissant en particulier des travailleurs qui viennent en Suisse pour une courte durée et d’autre part de faciliter les démarches fiscales pour les nouveaux arrivants peu familiers avec la fiscalité suisse.

Ainsi, sont notamment soumis à l’impôt à la source, les détenteurs d’un permis B (longue durée), L (courte durée), N (requérants d’asile), F (personnes admises à titre provisoire) et Ci (conjoints ou enfants de fonctionnaires internationaux) ainsi que les travailleurs frontaliers (permis G ou citoyens suisses/binationaux vivant en France).

Les titulaires d’un permis d’établissement (permis C), les ressortissants suisses vivant en Suisse de même que les époux faisant ménage commun (ou les partenaires enregistrés) et dont l’un d’eux est Suisse ou bénéficiaire du permis C sont exonérés et remplissent une déclaration fiscale ordinaire.

Les taux d’imposition (progressifs) varient en fonction de la situation personnelle du contribuable (célibataire, marié, veuf, veuve, divorcé, etc.), du nombre d’enfants à charge et de la situation professionnelle du conjoint (avec ou sans activité lucrative). On distingue ainsi notamment les barèmes célibataire, divorcé, séparé ou veuf/veuve sans enfant à charge (A0, la lettre indiquant le barème et le chiffre le nombre d’enfants), avec enfant(s) à charge (H1, 2, 3, etc.), marié avec ou sans enfant à charge mais dont le conjoint ne travaille pas (B1, 2, 3, etc.) et enfin la même situation mais dont le conjoint travaille (C1, 2 , 3, etc.).

Ces barèmes tiennent d’ores et déjà compte d’un certain nombre de déductions calculées sur une base forfaitaire incluant par exemple les frais professionnels, les primes d’assurance maladie, les contributions aux 1er et 2ème piliers ou encore les déductions pour les charges de famille. Il est possible chaque année, par le biais d’une demande de rectification, de solliciter des déductions complémentaires liées aux cotisations du 3ème pilier A, au rachat de primes du 2ème pilier, au versement de pensions alimentaires, aux frais de garde des enfants et de perfectionnement.

Enfin, il est possible de considérer certaines particularités inhérentes à la situation familiale (concubinage avec enfant(s) à charge, garde alternée, enfant(s) majeur(s) à charge, etc.) et professionnelle du contribuable et de sa famille par le biais de la demande de rectification. Un cas important, notamment pour les frontaliers dont le conjoint travaille en France est l’ajustement du barème C. En effet, celui-ci tient compte arbitrairement d’un revenu hypothétique du conjoint équivalent à celui du contribuable, jusqu’à un plafond annuel de CHF 65’100. Or, il est fréquent que le conjoint ne réalise pas un revenu aussi élevé en France, d’où la nécessité d’ajuster le barème pour éviter de payer trop d’impôts ne reflétant pas la réelle capacité contributive du couple.

2) Nouveautés pour les personnes domiciliées/résidentes en Suisse en matière d’impôt à la source

La révision de l’impôt à la source introduit un régime de taxation ordinaire subséquente obligatoire pour certaines catégories de contribuables. A Genève, sauf décision de l’Administration fiscale cantonale, c’est déjà le cas pour les propriétaires de biens immobiliers dans le canton et les contribuables soumis à l’impôt sur la fortune (dès CHF 82’040.- de fortune net pour les personnes seules sans enfant à charge et CHF 164’080.- pour les couples mariés dans la même situation).

Les contribuables qui réalisent d’autres revenus que ceux concernés par l’impôt à la source doivent aujourd’hui remplir une taxation ordinaire complémentaire. Dès 2021, ils passeront sous le régime de la taxation ordinaire subséquente qui concernera l’ensemble de leurs revenus, y compris ceux issus du travail.

Par ailleurs, les personnes soumises à l’impôt à la source qui, prises individuellement réalisent des revenus bruts du travail supérieurs à CHF 120’000.- par année seront également concernées par ce même régime (le seuil est actuellement de CHF 500’000.- à Genève par couple).

Pour tous les contribuables mentionnés ci-dessus, l’impôt à la source continuera d’être prélevé à des fins de garantie mais ils seront ultérieurement imposés selon les règles et les barèmes ordinaires. Le montant de l’impôt perçu à la source sera imputé sans intérêts.

Les conjoints seront également automatiquement inclus pour autant qu’ils fassent ménage commun avec le contribuable. Aussi, ce régime s’appliquera ad vitam aeternam, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’imposition à la source (par exemple suite à l’obtention du permis C ou de la nationalité suisse). Ainsi, peu importe que le contribuable ne réalise plus de revenus d’autres sources les années suivantes ou que son salaire annuel brut soit temporairement ou durablement inférieur à CHF 120’000.-, il demeurera en tout état de cause soumis à la taxation ordinaire subséquente.

Enfin, dans l’hypothèse d’un retour à l’imposition à la source (par exemple, en cas de divorce d’une personne titulaire du permis B avec un citoyen suisse), l’imposition ordinaire subséquente subsistera au côté du prélèvement à la source.

Autre nouveauté, les contribuables soumis à l’impôt à la source ne pourront plus faire valoir les déductions complémentaires (énumérées ci-dessus) en sus de celles qui sont incluses forfaitairement dans les barèmes par le biais de la procédure de rectification. Pour ce faire, ils devront solliciter auprès de l’Administration fiscale cantonale une taxation ordinaire subséquente volontaire. Ils pourront déposer cette demande sans condition (pas de seuils minimaux) jusqu’au 31 mars de l’année suivant l’année fiscale considérée. Là encore, la taxation ordinaire subséquente volontaire s’appliquera jusqu’à la fin de l’assujettissement à la source. Il s’agit donc d’un choix irrévocable pour les personnes résidentes/domiciliées en Suisse.

Enfin, dans l’hypothèse d’une situation de rigueur du contribuable (versement d’une pension alimentaire par exemple), l’administration fiscale cantonale pourra modifier le barème d’imposition (par exemple barème A2 au lieu de A0), comme c’est déjà le cas actuellement. Il appartient au contribuable de saisir les autorités par le biais d’une demande de rectification.

 

3) Nouveautés pour les personnes ni résidentes, ni domiciliées en Suisse au regard du droit fiscal

Comme pour les résidents/domiciliés en Suisse, les frontaliers ne pourront plus déduire les cotisations du 3ème pilier A, le rachat de primes du 2ème pilier, le versement de pensions alimentaires, les frais de garde des enfants et ceux de perfectionnement.

Ils auront en revanche la possibilité de demander, au plus tard le 31 mars de l’année suivant l’année fiscale considérée, à faire l’objet d’une taxation ordinaire subséquente selon les barèmes ordinaires (centimes additionnels communaux du lieu du travail ; article 293 de la loi genevoise générale sur les contributions publiques (LCP) ). Cette requête devra être renouvelée chaque année. Elle est toutefois soumise à des conditions restrictives : en effet, le frontalier devra prouver que 90% de ses revenus mondiaux, y compris ceux de son conjoint, sont imposables en Suisse (et non plus uniquement réalisés en Suisse), que sa situation est comparable à celle d’un contribuable domicilié en Suisse ou qu’une taxation ordinaire subséquente est nécessaire pour faire valoir ses droits à des déductions prévues par une convention de lutte contre les doubles impositions.

Cette nouveauté fait suite à un arrêt du Tribunal fédéral de 2010 (ATF 136 II 241) qui a considéré être en présence d’une discrimination inadmissible lorsque des non-résidents ne sont pas traités de la même manière que des résidents se trouvant dans une situation comparable, ce qui est le cas lorsque les revenus de ceux-ci sont constitués à plus de 90% en Suisse. Dans cette hypothèse, le travailleur frontalier doit être traité comme un quasi-résident.

Si la condition des 90% ne devrait pas poser de problème lorsque les deux époux travaillent en Suisse, il en va différemment lorsqu’ils possèdent en France un bien immobilier puisque la valeur locative doit être prise en considération dans le calcul.

Le commentaire de l’ordonnance du DFF sur l’imposition à la source stipule que les conditions de la quasi-résidence ne sont pas examinées par avance, mais seulement lors de la procédure de taxation, une fois que la demande pour la taxation ordinaire subséquente a été déposée.

Le montant déterminant des revenus réalisés à l’échelle mondiale est déterminé sur la base du droit suisse. Pour déterminer le pourcentage des revenus bruts imposables en Suisse, il s’agit dans un premier temps de tenir compte des éléments suivants :

  • En ce qui concerne la base de calcul, on se fonde sur les dispositions de la LIFD (art.16 à 18 ainsi que 20 à 23 LIFD).
  • Les revenus qui sont exonérés en vertu du droit suisse ne sont pas pris en compte, car l’évaluation s’effectue sur la base du droit suisse, même s’ils sont imposables dans l’État de résidence. Par exemple : les gains en capitaux privés d’une personne ayant le statut de résident en Allemagne ne sont pas pris en compte dans le calcul puisque non imposés en Suisse.
  • Les revenus qui seraient imposables en Suisse en tant qu’État du lieu de travail sont pris en compte, même s’ils ne sont pas soumis à l’impôt dans l’État de résidence. Par exemple : pour un immeuble habité par son propriétaire à l’étranger, la valeur locative est calculée conformément aux dispositions de la LIFD. 

Après avoir déterminé le total des revenus réalisés à l’échelle mondiale, il s’agit dans un deuxième temps de faire la distinction entre les revenus qui doivent être attribués à la Suisse en tant qu’État du lieu de travail et les revenus qui doivent être attribués aux autres États. A cet égard les conventions de double imposition conclues entre la Suisse et ses voisins doivent être examinées.

Il est recommandé aux travailleurs frontaliers de faire une simulation auprès d’un avocat/expert fiscal mais les chances de pouvoir bénéficier d’une taxation ordinaire suisse en présence d’un bien immobilier français paraissent minces. Aussi, le choix d’être taxé selon le régime ordinaire est définitif s’agissant de l’année fiscale considérée. Ainsi, il se peut qu’au final la taxation ordinaire soit en défaveur du frontalier qui aurait eu meilleur temps de rester imposé à la source uniquement, d’où l’importance de la simulation fiscale préalable.

A noter également que les frontaliers, à l’instar des résidents/domiciliés en Suisse pourront par le biais d’une demande de rectification (délai au 31 mars de l’année suivante), demander des corrections suite à une erreur de barème ou de calcul du revenu ou du taux.

Enfin, en cas de situation d’iniquité manifeste (cas de rigueur par exemple), l’Administration fiscale cantonale pourra d’office imposer une taxation ordinaire subséquente au travailleur frontalier.

A noter que les frontaliers quasi-résidents devront impérativement donner à l’administration fiscale une adresse de notification en Suisse.

4) Autres modifications en matière d’impôt à la source concernant notamment les employeurs (DPI)  

Parmi les autres modifications de l’impôt à la source, on citera celles-ci :

  • A l’heure actuelle, dans le canton de Genève, lorsque le salarié est domicilié dans un autre canton (par exemple dans le canton de Vaud), l’employeur peut soit débiter l’impôt à la source selon les règles et les barèmes applicables à Genève (l’impôt prélevé est ensuite transféré à l’autre canton), soit appliquer les règles et barèmes du canton de domicile du contribuable. A compter de 2021, seule cette dernière option sera possible. Le DPI devra ainsi être enregistré auprès des autorités fiscales compétentes dans tous les cantons de domicile de ses employés.

  • A Genève, la commission de perception pour les DPI restera à 2% du montant total de l’impôt à la source. En revanche, pour les prestations en capital, celle-ci s’élèvera à 1%, mais ne pourra dépasser CHF 50 par prestation en capital.

  • Les revenus acquis en compensation et versés directement au contribuable par l’assureur (indemnités chômage, invalidité, perte de gain maladie, accident, etc.) feront l’objet d’un nouveau barème G. Le barème D, applicable aux personnes qui exercent une activité lucrative accessoire (moins de 15 heures de travail par semaine pour une revenu mensuel brut inférieur à CHF 2’000.-) va disparaître au profit d’un régime spécifique détaillé dans la circulaire de l’AFC.

  • Dès le 1er janvier 2021, les employeurs devront appliquer le barème correspondant à la situation de famille à la fin du mois précédant le versement de la prestation imposable et non plus à la fin de l’année concernée. S’agissant de Genève, cela implique notamment les changements suivants : 1) les enfants atteignant leur majorité civile durant le cours de l’année fiscale ne seront plus considérés comme majeur pour l’ensemble de la période fiscale. Ainsi, si X est né le 22 juin 2003, on appliquera par exemple à son parent marié le barème B1 jusqu’au 30 juin 2021 puis le barème B0 dès cette date. Cette modification est en faveur du contribuable 2) en revanche, le mariage en 2021 d’un contribuable soumis à l’impôt à la source (barème A0 par exemple) avec un détenteur d’un permis B sans activité lucrative n’entrainera plus l’application du barème B0 rétroactivement au 1er janvier de l’année civile. La date du mariage sera déterminante pour appliquer le nouveau barème mettant du coup un terme à ce régime fiscal avantageux 3) enfin, il en va de même en cas de naissance d’un enfant durant l’année fiscale (par exemple passage du barème B0 au barème B1 plus favorable), aucune rétroactivité du barème au début de la période fiscale ne sera admise.

  • En cas d’erreur au niveau de la détermination du revenu brut imposable ou d’erreur de barème, le DPI pourra lui-même effectuer les corrections nécessaires auprès de l’Administration fiscale cantonal jusqu’au 31 mars de l’année fiscale suivante.

5) Mesures nécessaires à prendre

La révision de l’impôt à la source, qui tient compte des derniers développements technologiques va contraindre les employeurs à adapter et mettre à jour leurs logiciels de traitement des salaires (Swissdec ELM 5.0). En outre, les DPI devront connaître les nouvelles dispositions de la révision de l’impôt à la source dans la mesure où ils sont responsables de l’exactitude des calculs. Enfin, la taxation ordinaire subséquente obligatoire nécessite une information adéquate aux employés concernés par le biais de notices ou de présentations. Il est recommandé de se préparer dans les meilleurs délais afin d’être prêt à temps pour 2021. Notre cabinet d’avocats se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions

Introduction

Unifié depuis 1995, le régime suisse de l’impôt à la source va être profondément remanié l’année prochaine. Adoptée par le Parlement suisse le 16 décembre 2016, la loi fédérale sur la révision de l’imposition à la source du revenu de l’activité lucrative entrera en vigueur au 1er janvier 2021 et contient toute une série de nouvelles dispositions.

En particulier, les articles 83 à 101 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) et 32 à 38 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) seront modifiés. L’ordonnance du Département fédéral des finances sur l’imposition à la source dans le cadre de l’impôt fédéral direct du 11 avril 2018 et la circulaire n°45 de l’Administration fédérale des contributions (AFC) du 12 juin 2019 viendront compléter le dispositif législatif.

A Genève, le Grand conseil a adopté le 16 janvier 2020 la loi cantonale sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales (LISP).

Le but de cette réforme vise à réduire les inégalités de traitement entre les personnes soumises à l’impôt à la source et celles assujetties à l’imposition ordinaire. En effet, les anciennes dispositions ont dû être adaptées dans la mesure où elles ne respectaient pas le principe de l’égalité de traitement prévu par l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) entre la Suisse et l’Union européenne/AELE. En substance, la révision introduit une taxation ordinaire obligatoire subséquente/ultérieure pour les contribuables résidents imposés à la source et, sous certaines conditions, pour les non-résidents. Les déductions complémentaires seront elles supprimées.

En outre, les employeurs (les Débiteurs de la Prestation Imposable, DPI) seront soumis à quelques nouveautés sous l’angle procédurale et des prélèvements. Il sied en effet d’uniformiser le calcul de l’impôt à la source dans toute la Suisse. La circulaire de l’AFC n°45 a justement pour objectif de définir, au travers de nombreux exemples sur 69 pages et 3 annexes, les règles de calcul de l’impôt à la source pour tous les cantons (en particulier le traitement du 13ème salaire, des bonus, des indemnités de départ, la situation en cas d’emploi irrégulier etc.).  A cet égard, Genève va devoir adapter sa pratique sur certains points, l’AFC ayant retenu deux modèles de calcul, le modèle annuel (Vaud, Genève, Valais, Fribourg et Tessin : la période fiscale correspond à l’année civile et le revenu brut mensuel est imposé au taux correspondant aux revenus annuels totaux du contribuable) et celui mensuel (les autres cantons : le mois est réputé période fiscale et le revenu mensuel correspond généralement au revenu déterminant pour le taux). Pour chacun des modèles, l’AFC indique par exemple quels éléments doivent être considérés comme périodiques ou non, et comment calculer les indemnités avant et après les rapports de travail.

1) Rappel sur l’imposition à la source

Pour rappel, être imposé à la source signifie que l’employeur (cas échéant l’assureur ou la caisse de retraite) prélève directement les contributions à l’impôt cantonal et communal (ICC) et à l’impôt fédéral direct (IFD) sur les prestations qu’il verse au salarié (salaire, bonus, retraite, maladie, chômage, etc.).

L’idée est d’une part de lutter contre l’évasion fiscale s’agissant en particulier des travailleurs qui viennent en Suisse pour une courte durée et d’autre part de faciliter les démarches fiscales pour les nouveaux arrivants peu familiers avec la fiscalité suisse.

Ainsi, sont notamment soumis à l’impôt à la source, les détenteurs d’un permis B (longue durée), L (courte durée), N (requérants d’asile), F (personnes admises à titre provisoire) et Ci (conjoints ou enfants de fonctionnaires internationaux) ainsi que les travailleurs frontaliers (permis G ou citoyens suisses/binationaux vivant en France).

Les titulaires d’un permis d’établissement (permis C), les ressortissants suisses vivant en Suisse de même que les époux faisant ménage commun (ou les partenaires enregistrés) et dont l’un d’eux est Suisse ou bénéficiaire du permis C sont exonérés et remplissent une déclaration fiscale ordinaire.

Les taux d’imposition (progressifs) varient en fonction de la situation personnelle du contribuable (célibataire, marié, veuf, veuve, divorcé, etc.), du nombre d’enfants à charge et de la situation professionnelle du conjoint (avec ou sans activité lucrative). On distingue ainsi notamment les barèmes célibataire, divorcé, séparé ou veuf/veuve sans enfant à charge (A0, la lettre indiquant le barème et le chiffre le nombre d’enfants), avec enfant(s) à charge (H1, 2, 3, etc.), marié avec ou sans enfant à charge mais dont le conjoint ne travaille pas (B1, 2, 3, etc.) et enfin la même situation mais dont le conjoint travaille (C1, 2 , 3, etc.).

Ces barèmes tiennent d’ores et déjà compte d’un certain nombre de déductions calculées sur une base forfaitaire incluant par exemple les frais professionnels, les primes d’assurance maladie, les contributions aux 1er et 2ème piliers ou encore les déductions pour les charges de famille. Il est possible chaque année, par le biais d’une demande de rectification, de solliciter des déductions complémentaires liées aux cotisations du 3ème pilier A, au rachat de primes du 2ème pilier, au versement de pensions alimentaires, aux frais de garde des enfants et de perfectionnement.

Enfin, il est possible de considérer certaines particularités inhérentes à la situation familiale (concubinage avec enfant(s) à charge, garde alternée, enfant(s) majeur(s) à charge, etc.) et professionnelle du contribuable et de sa famille par le biais de la demande de rectification. Un cas important, notamment pour les frontaliers dont le conjoint travaille en France est l’ajustement du barème C. En effet, celui-ci tient compte arbitrairement d’un revenu hypothétique du conjoint équivalent à celui du contribuable, jusqu’à un plafond annuel de CHF 65’100. Or, il est fréquent que le conjoint ne réalise pas un revenu aussi élevé en France, d’où la nécessité d’ajuster le barème pour éviter de payer trop d’impôts ne reflétant pas la réelle capacité contributive du couple.

2) Nouveautés pour les personnes domiciliées/résidentes en Suisse en matière d’impôt à la source

La révision de l’impôt à la source introduit un régime de taxation ordinaire subséquente obligatoire pour certaines catégories de contribuables. A Genève, sauf décision de l’Administration fiscale cantonale, c’est déjà le cas pour les propriétaires de biens immobiliers dans le canton et les contribuables soumis à l’impôt sur la fortune (dès CHF 82’040.- de fortune net pour les personnes seules sans enfant à charge et CHF 164’080.- pour les couples mariés dans la même situation).

Les contribuables qui réalisent d’autres revenus que ceux concernés par l’impôt à la source doivent aujourd’hui remplir une taxation ordinaire complémentaire. Dès 2021, ils passeront sous le régime de la taxation ordinaire subséquente qui concernera l’ensemble de leurs revenus, y compris ceux issus du travail.

Par ailleurs, les personnes soumises à l’impôt à la source qui, prises individuellement réalisent des revenus bruts du travail supérieurs à CHF 120’000.- par année seront également concernées par ce même régime (le seuil est actuellement de CHF 500’000.- à Genève par couple).

Pour tous les contribuables mentionnés ci-dessus, l’impôt à la source continuera d’être prélevé à des fins de garantie mais ils seront ultérieurement imposés selon les règles et les barèmes ordinaires. Le montant de l’impôt perçu à la source sera imputé sans intérêts.

Les conjoints seront également automatiquement inclus pour autant qu’ils fassent ménage commun avec le contribuable. Aussi, ce régime s’appliquera ad vitam aeternam, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’imposition à la source (par exemple suite à l’obtention du permis C ou de la nationalité suisse). Ainsi, peu importe que le contribuable ne réalise plus de revenus d’autres sources les années suivantes ou que son salaire annuel brut soit temporairement ou durablement inférieur à CHF 120’000.-, il demeurera en tout état de cause soumis à la taxation ordinaire subséquente.

Enfin, dans l’hypothèse d’un retour à l’imposition à la source (par exemple, en cas de divorce d’une personne titulaire du permis B avec un citoyen suisse), l’imposition ordinaire subséquente subsistera au côté du prélèvement à la source.

Autre nouveauté, les contribuables soumis à l’impôt à la source ne pourront plus faire valoir les déductions complémentaires (énumérées ci-dessus) en sus de celles qui sont incluses forfaitairement dans les barèmes par le biais de la procédure de rectification. Pour ce faire, ils devront solliciter auprès de l’Administration fiscale cantonale une taxation ordinaire subséquente volontaire. Ils pourront déposer cette demande sans condition (pas de seuils minimaux) jusqu’au 31 mars de l’année suivant l’année fiscale considérée. Là encore, la taxation ordinaire subséquente volontaire s’appliquera jusqu’à la fin de l’assujettissement à la source. Il s’agit donc d’un choix irrévocable pour les personnes résidentes/domiciliées en Suisse.

Enfin, dans l’hypothèse d’une situation de rigueur du contribuable (versement d’une pension alimentaire par exemple), l’administration fiscale cantonale pourra modifier le barème d’imposition (par exemple barème A2 au lieu de A0), comme c’est déjà le cas actuellement. Il appartient au contribuable de saisir les autorités par le biais d’une demande de rectification.

 

3) Nouveautés pour les personnes ni résidentes, ni domiciliées en Suisse au regard du droit fiscal

Comme pour les résidents/domiciliés en Suisse, les frontaliers ne pourront plus déduire les cotisations du 3ème pilier A, le rachat de primes du 2ème pilier, le versement de pensions alimentaires, les frais de garde des enfants et ceux de perfectionnement.

Ils auront en revanche la possibilité de demander, au plus tard le 31 mars de l’année suivant l’année fiscale considérée, à faire l’objet d’une taxation ordinaire subséquente selon les barèmes ordinaires (centimes additionnels communaux du lieu du travail ; article 293 de la loi genevoise générale sur les contributions publiques (LCP) ). Cette requête devra être renouvelée chaque année. Elle est toutefois soumise à des conditions restrictives : en effet, le frontalier devra prouver que 90% de ses revenus mondiaux, y compris ceux de son conjoint, sont imposables en Suisse (et non plus uniquement réalisés en Suisse), que sa situation est comparable à celle d’un contribuable domicilié en Suisse ou qu’une taxation ordinaire subséquente est nécessaire pour faire valoir ses droits à des déductions prévues par une convention de lutte contre les doubles impositions.

Cette nouveauté fait suite à un arrêt du Tribunal fédéral de 2010 (ATF 136 II 241) qui a considéré être en présence d’une discrimination inadmissible lorsque des non-résidents ne sont pas traités de la même manière que des résidents se trouvant dans une situation comparable, ce qui est le cas lorsque les revenus de ceux-ci sont constitués à plus de 90% en Suisse. Dans cette hypothèse, le travailleur frontalier doit être traité comme un quasi-résident.

Si la condition des 90% ne devrait pas poser de problème lorsque les deux époux travaillent en Suisse, il en va différemment lorsqu’ils possèdent en France un bien immobilier puisque la valeur locative doit être prise en considération dans le calcul.

Le commentaire de l’ordonnance du DFF sur l’imposition à la source stipule que les conditions de la quasi-résidence ne sont pas examinées par avance, mais seulement lors de la procédure de taxation, une fois que la demande pour la taxation ordinaire subséquente a été déposée.

Le montant déterminant des revenus réalisés à l’échelle mondiale est déterminé sur la base du droit suisse. Pour déterminer le pourcentage des revenus bruts imposables en Suisse, il s’agit dans un premier temps de tenir compte des éléments suivants :

  • En ce qui concerne la base de calcul, on se fonde sur les dispositions de la LIFD (art.16 à 18 ainsi que 20 à 23 LIFD).

 

  • Les revenus qui sont exonérés en vertu du droit suisse ne sont pas pris en compte, car l’évaluation s’effectue sur la base du droit suisse, même s’ils sont imposables dans l’État de résidence. Par exemple : les gains en capitaux privés d’une personne ayant le statut de résident en Allemagne ne sont pas pris en compte dans le calcul puisque non imposés en Suisse.

 

  • Les revenus qui seraient imposables en Suisse en tant qu’État du lieu de travail sont pris en compte, même s’ils ne sont pas soumis à l’impôt dans l’État de résidence. Par exemple : pour un immeuble habité par son propriétaire à l’étranger, la valeur locative est calculée conformément aux dispositions de la LIFD.

Après avoir déterminé le total des revenus réalisés à l’échelle mondiale, il s’agit dans un deuxième temps de faire la distinction entre les revenus qui doivent être attribués à la Suisse en tant qu’État du lieu de travail et les revenus qui doivent être attribués aux autres États. A cet égard les conventions de double imposition conclues entre la Suisse et ses voisins doivent être examinées.

Il est recommandé aux travailleurs frontaliers de faire une simulation auprès d’un avocat/expert fiscal mais les chances de pouvoir bénéficier d’une taxation ordinaire suisse en présence d’un bien immobilier français paraissent minces. Aussi, le choix d’être taxé selon le régime ordinaire est définitif s’agissant de l’année fiscale considérée. Ainsi, il se peut qu’au final la taxation ordinaire soit en défaveur du frontalier qui aurait eu meilleur temps de rester imposé à la source uniquement, d’où l’importance de la simulation fiscale préalable.

A noter également que les frontaliers, à l’instar des résidents/domiciliés en Suisse pourront par le biais d’une demande de rectification (délai au 31 mars de l’année suivante), demander des corrections suite à une erreur de barème ou de calcul du revenu ou du taux.

Enfin, en cas de situation d’iniquité manifeste (cas de rigueur par exemple), l’Administration fiscale cantonale pourra d’office imposer une taxation ordinaire subséquente au travailleur frontalier.

A noter que les frontaliers quasi-résidents devront impérativement donner à l’administration fiscale une adresse de notification en Suisse.

4) Autres modifications en matière d’impôt à la source concernant notamment les employeurs (DPI)  

Parmi les autres modifications de l’impôt à la source, on citera celles-ci :

  • A l’heure actuelle, dans le canton de Genève, lorsque le salarié est domicilié dans un autre canton (par exemple dans le canton de Vaud), l’employeur peut soit débiter l’impôt à la source selon les règles et les barèmes applicables à Genève (l’impôt prélevé est ensuite transféré à l’autre canton), soit appliquer les règles et barèmes du canton de domicile du contribuable. A compter de 2021, seule cette dernière option sera possible. Le DPI devra ainsi être enregistré auprès des autorités fiscales compétentes dans tous les cantons de domicile de ses employés.

  • A Genève, la commission de perception pour les DPI restera à 2% du montant total de l’impôt à la source. En revanche, pour les prestations en capital, celle-ci s’élèvera à 1%, mais ne pourra dépasser CHF 50 par prestation en capital.

  • Les revenus acquis en compensation et versés directement au contribuable par l’assureur (indemnités chômage, invalidité, perte de gain maladie, accident, etc.) feront l’objet d’un nouveau barème G. Le barème D, applicable aux personnes qui exercent une activité lucrative accessoire (moins de 15 heures de travail par semaine pour une revenu mensuel brut inférieur à CHF 2’000.-) va disparaître au profit d’un régime spécifique détaillé dans la circulaire de l’AFC.

  • Dès le 1er janvier 2021, les employeurs devront appliquer le barème correspondant à la situation de famille à la fin du mois précédant le versement de la prestation imposable et non plus à la fin de l’année concernée. S’agissant de Genève, cela implique notamment les changements suivants : 1) les enfants atteignant leur majorité civile durant le cours de l’année fiscale ne seront plus considérés comme majeur pour l’ensemble de la période fiscale. Ainsi, si X est né le 22 juin 2003, on appliquera par exemple à son parent marié le barème B1 jusqu’au 30 juin 2021 puis le barème B0 dès cette date. Cette modification est en faveur du contribuable 2) en revanche, le mariage en 2021 d’un contribuable soumis à l’impôt à la source (barème A0 par exemple) avec un détenteur d’un permis B sans activité lucrative n’entrainera plus l’application du barème B0 rétroactivement au 1er janvier de l’année civile. La date du mariage sera déterminante pour appliquer le nouveau barème mettant du coup un terme à ce régime fiscal avantageux 3) enfin, il en va de même en cas de naissance d’un enfant durant l’année fiscale (par exemple passage du barème B0 au barème B1 plus favorable), aucune rétroactivité du barème au début de la période fiscale ne sera admise.

  • En cas d’erreur au niveau de la détermination du revenu brut imposable ou d’erreur de barème, le DPI pourra lui-même effectuer les corrections nécessaires auprès de l’Administration fiscale cantonal jusqu’au 31 mars de l’année fiscale suivante.

5) Mesures nécessaires à prendre

La révision de l’impôt à la source, qui tient compte des derniers développements technologiques va contraindre les employeurs à adapter et mettre à jour leurs logiciels de traitement des salaires (Swissdec ELM 5.0). En outre, les DPI devront connaître les nouvelles dispositions de la révision de l’impôt à la source dans la mesure où ils sont responsables de l’exactitude des calculs. Enfin, la taxation ordinaire subséquente obligatoire nécessite une information adéquate aux employés concernés par le biais de notices ou de présentations. Il est recommandé de se préparer dans les meilleurs délais afin d’être prêt à temps pour 2021. Notre cabinet d’avocats se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions

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